Qui est AXA ? Pourquoi a-t-elle réussi à s’imposer ? Quel futur se dessine pour l’assureur ? Comment évoluent les mouvements de transformation ? Observations d’un phénomène assurantiel et financier planétaire, typiquement français. Frissons assurés.
Impossible de passer à côté. À Hong Kong, on ne parle que d’eux depuis leur installation en assureur dommages en l’an 2012.
Conquérir de nouvelles terres asiatiques, charmer 1.4 milliards d’habitants à la recherche urgente et pressante de protection globale après avoir dominé Paris et l’Europe ?
Les chuchotements parisiens et chinois bruissent en propositions de valeurs, en positionnements, en projets et en promesses d’un avenir radieux.
Omniprésent, omniscient et omnipotent, voilà le jugement, à la fois séduisant, lourd et brutal d’un touriste lambda souhaitant faire une virée sur le territoire du bon goût.
Mais de qui parle notre mystérieux touriste économique ? D’une signature géniale en trois lettres, tout en simplicité et en efficacité marketing, A, X, A.
On dirait presque le nom donné à un robot du futur, bourré d’algorithmes, de connaissances et d’électronique, chargé de rendre des services utiles à la communauté.
Eh bien, non !
En tant que société à la culture française, elle agit que dans le vif, le concret, le palpable, rarement dans la chose théorique, abstraite, conceptuelle telle la robotique ou l’idée de la machine à moins de pressentir le risque d’une catastrophe naturelle imminente.
X tel l’inconnu en mathématiques, récupéré de l’école militaire Polytechnique l’X, accompagné et encadré du double A symbolisant Agent et Assurances.
Trois lettres à la saveur exquise, un anagramme presque parfait, indiquant clairement le triple objectif : capital humain, capital scientifique et capital assurantiel.
AXA est une personne morale de droit privé exerçant une activité d’assurances à destination des particuliers et des professionnels, régie par le code des assurances et les lois en vigueur dont la supervision réglementaire est chapeautée par l’ACPR et d’autres administrations publiques.
Le succès de AXA a été basé essentiellement sur une stratégie de maillage horizontal via un réseau puissant de 13.000 agents généraux d’assurances au statut d’entrepreneur, avec une pointe de calculs mathématiques à la verticale.
L’ordre et la discipline restent imprimés en toile de fond pour mieux signifier les valeurs et l’identité de l’entité.
Tout un programme progressif, jalonné de hasards, mijoté par des amateurs distingués à partir de l’an 1817, en commençant le commerce de l’assurance via l’Ancienne Mutuelle de Rouen.
Nul n’aurait parié un franc sur cette épopée prudentielle, à part quelques gentilshommes, légèrement illuminés par excès de raffinement, entourant la petite structure.
Cette agence d’assurance était située face à la magnifique cathédrale de Notre-Dame de Rouen – la plus haute bâtisse mondiale en son temps culminant à 151 mètres de hauteur -, symbole d’une architecture gothique à l’ambition déjà folle.
Elle a été concurrencée, à 532 km en vol d’oiseau, par la cathédrale de Cologne (Allemagne) – 157 mètres de haut – tel un clin d’œil fortuit et chaleureux entre le Français AXA et l’Allemand Allianz.
Par la suite, ces deux-là, sont devenus inséparables, pour le meilleur et pour le pire.
L’imposante, immortalisée par les 30 tableaux du peintre Claude Monet, a aussi inspiré nos mutualistes rouennais à la créativité débordante, à force de contempler la construction du chef-d’œuvre de la bonté divine, du bord de leurs fenêtres.
Jusqu’à l’année 1995, le centre des opérations de AXA, le siège social, respirait les bonnes senteurs de la Normandie avant de rejoindre l’air, légèrement plus pollué, de l’avenue parisienne de Matignon.
Eux aussi, voulaient culminer l’Europe par la fabrication et la distribution de leurs contrats d’assurances.
Le nom de AXA a été créé qu’au début des années 1980 par des publicitaires inspirés, après plus de 163 calendriers grégoriens.
Chaque lettre A, X, A représente respectivement la tour Saint-Romain, la tour-lanterne associée à sa flèche et la tour de Beurre.
Le trait diagonal du logo de AXA et le double A synthétisent la symétrie relative des tours de la majestueuse cathédrale.
Pierre après pierre, année après année, les équipes de AXA ont réussi leur pari ; eux aussi ont culminé l’Europe.
Plongeon contextuel dans l’aventure de AXA
Les Français ont toujours été imprégnés par l’art et le sens de la symbolique, même dans les affaires commerciales.
À l’époque, on avait cette envie pressante d’associer les affaires à la morale, d’arrimer le commerce à l’humain, de mélanger l’argent et les représentants de l’État, de se fondre à la Nation et de coller l’art à la vie.
En bref, d’inventer un étrange cocktail séduisant, de concepts aux contours flous, supposés protecteurs de malheurs et porteurs de bienveillance, pour l’individu et la collectivité, toujours.
L’assureur AXA, à l’époque une mutuelle d’assurances baignée dans ce climat complexe d’affaires, se trouve forcer de s’acclimater aux tendances mouvantes, coûte que coûte.
Dans le secteur de l’assurance, les risques représentent des opportunités à garantir et à protéger.
C’est compréhensible. Aurait-on pu faire autrement ?
Faisons preuve d’empathie car la vie et le commerce étaient rudes, comme on disait pudiquement en son temps.
Et attention à la nostalgie, car l’État de droit, malgré la Révolution de 1789 et le siècle des Lumières, était une notion très abstraite, à géométrie ultra variable et extensible presque à l’infini.
En ces années troubles, excepté quelques privilégiés, il était encore compliqué de boire un café tranquillement au bord d’une terrasse, de voyager paisiblement en d’autres contrées, d’ouvrir un commerce librement, de marcher dans la rue pour acheter sa petite baguette de pain, sans en subir des violences et des exactions arbitraires.
Dans cet écosystème, relativement primitif, dans lequel les accidents et incidents survenaient pour un rien, l’assureur pouvait déployer des offres pour protéger et garantir les biens, les personnes et les actifs tout en essayant de plaire à la puissance publique pour obtenir, à son tour, protections et faveurs.
Il fallait bien survivre à un univers brutal lorsqu’on sait que l’espérance de vie au XIXe siècle ne dépassait guère les 42 ans – durant les guerres de Napoléon, survivant ou chanceux fut celui qui atteignait l’âge de 30 ans.
Telles des machines, nos ancêtres avaient intégré la courbe dangereuse des âges à l’esprit et essayaient d’agir en conséquence, pour la survie.
Ils expérimentaient alors la chose existentielle par un apprentissage progressif et correctif en tentant de trouver la formule magique gagnante, avec les moyens du bord, quitte à tout confondre.
La courbe d’apprentissage, cette formidable loi empirique connue des experts en formation professionnelle, accompagne la dynamique du mouvement humain et commercial, plongée dans son environnement le plus naturel.
La peur et la terreur courraient les rues ; l’ubiquité du risque n’était pas une fiction.
Pour atteindre les objectifs naturels de réduction des incertitudes de la condition humaine, aucune solution ne pouvait être écartée, dans le respect des règles contextuelles et circonstancielles, bien évidemment.
Croissance et prudence
Dans cet écosystème instable et dangereux, l’assureur AXA a été fondé et a su s’adapter au cours du temps et de l’espace – désormais présent sur tous les continents.
La compagnie proposait des services en contrats d’assurances dans tous les domaines liés au risque : assurances en récoltes pour les agriculteurs, assurances en accident, en incendie, en équipement, en santé, etc.
Tout doucement, parallèlement à l’évolution de l’économie, des révoltes, des guerres et du progrès socio-technologique, l’assureur déroule des produits adaptés en automobile, prévoyance, épargne, assurance-vie, risque complexe, crédit, etc.
98.5 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an, 103 millions de clients, 166.000 salariés sur 64 pays en moyenne constatée correspondent à la matrice chiffrée de l’entreprise AXA.
La multinationale est également cotée à la Bourse de Paris et dispose d’une valorisation supérieure à 55 milliards d’euros en moyenne constatée.
Les activités sont diversifiées en termes d’exposition au risque ; forte répartition géographique, subdivision appuyée des centres fonctionnels de profits et une gestion prudente des ressources.
L’ADN de l’assurance a certes muté dans les process et les mécaniques en création de valeur, pas dans le vital, c’est-à-dire le risque contrôlé.
La boutique rouennaise mutualiste faisant face à la « plus humaine des cathédrales », selon l’expression consacrée, a accompli un parcours mémorable à coup de rachats, de fusions, de séparations et de transformations.
On ne traverse pas l’Histoire sans cicatrices et sans tirer de précieux enseignements, sur la prudence notamment.
« Réinventons nos métiers », voici un des slogans de l’institution comme pour ne pas oublier une priorité absolue : muter constamment pour satisfaire les besoins changeants d’un utilisateur de plus en plus exigeant et connecté.
Trajectoire et dilemme
L’Ancienne Mutuelle de Rouen, Groupe Drouot, Mutuelles Unies, la Providence et Secours, Assurances du Groupe de Paris, UAP, National Pacific, Omniasig Life, Assurance Al Amane, Winterthur assurances, etc. autant de reprises et d’absorptions pour constituer l’image actuelle de AXA.
Avancer sans s’arrêter, en avalant et digérant, tour à tour, des briques de métiers, additionner du chiffre d’affaires ; une réflexion stratégique lisible, intégrant une course à la taille critique diversifiée.
La stabilisation de l’ensemble, dans une cohérence raisonnable, reste un défi quotidien car la tentation est grande d’utiliser la montagne de cash disponible pour grossir, encore et encore.
Grossir signifie-t-il automatiquement survivre dans le cadre des règles du jeu du business ?
Est-il possible de rester en vie ou prospérer sans jouer la course au chiffre d’affaires ?
AXA est-elle condamnée à adapter ses métiers ? Quelles seront ses actions et son empreinte ?
Comment se comporter face aux transformations puissantes du marché et des acteurs ?
Voici quelques exemples de conjonctions d’événements contribuant à un changement radical dans la conduite des métiers de l’assureur :
– l’émergence de la voiture autonome implique un renforcement de la sécurité, réduisant ainsi le nombre d’incidents et d’accidents -> diminution de la fonction utilité et de la prime annuelle en assurance automobile payée par les assurés ;
– l’émergence de la maison connectée -> un renforcement de la sécurité réduisant les risques en incendie et accident -> diminution de la fonction utilité et de la prime annuelle en assurance habitation payée par les assurés ;
– l’émergence de la technologie au sein des entreprises réduisant le risque global en accidentologie -> une diminution de la fonction utilité et de la prime des assurances des professionnels ;
– l’émergence de la santé connectée appuyée par les technologies de dépistage et à la capacité de guérison des maladies -> une réduction de la fonction utilité de l’assurance santé ainsi que de la prime associée ;
– l’émergence de la dématérialisation du business, du machine learning, de la robotisation et de l’intelligence artificielle -> des opportunités de proposer des services d’assurances, de garanties en auto, habitation, vie, épargne, gestion d’actifs, etc. aux consommateurs et aux entreprises par tout détenteur de données numériques, propriétaire d’une technologie analytique de pointe, d’une puissance de marque et d’un capital financier suffisant (ex. Google, Apple, Facebook, Microsoft, etc.) ;
– la déréglementation de l’assurance et de la banque déverrouillant le marché ;
– etc.
La perception d’un rétrécissement de la marge de manœuvre de la compagnie d’assurance est sensible.
Risques ? Dangers ? Opportunités ? Quel chemin emprunter ? Peut-on naviguer à vue avec le cash ? Comment optimiser les ressources disponibles pour garantir une position enviable ?
Par le biais de son pivot à Hong Kong et à Pékin, le management de AXA veut capter 100 millions de clients à horizon de 2030 en Asie tout comme l’assureur Generali (Italie) et Allianz (Allemagne).
Pourra-t-elle établir une stratégie stable de partenariats mutuellement profitables en espérant une culture de l’interopérabilité asiatique (Chine, Inde, Indonésie, etc.) ?
Les mastodontes chinois, ICBC, China Construction Bank Corporation, Ping An Insurance et China Life Insurance accepteront-ils le jeu de la concurrence ?
En 24 h, le 11 novembre de chaque année, la place digitale de marché Alibaba, génère plus de 18 milliards de dollars us en ventes !
Un record vertigineux engendré par le gigantisme asiatique et la culture chinoise du défi compétitif.
Comme si l’Asie courrait derrière une compression temporelle des affaires grâce à son 4.5 milliards de consommateurs.
Plus rapide. Plus compressé. Plus fort. Plus loin.
De quoi séduire l’assureur AXA, à la recherche d’un plein de sensations fortes et d’un bonheur financier sans limite.
Réalité palpable ? Illusion ou rêve ?