Qui décide à la Banque Centrale Européenne (BCE) ?

influence à la bce et ueIl ne se passe pas un jour sans que les actualités évoquent les prises de décisions actuelles et à venir de la Banque Centrale Européenne (BCE) pour déterminer le sort économique et social de 508 millions d’habitants répartis dans un vaste espace géographique hétérogène de 28 pays européens incluant 19 pays ayant adopté la monnaie Euro.

Cette institution monétaire pilote, en bonne partie, la politique économique européenne par l’intermédiaire principalement de sa capacité à la création de la monnaie Euro sous diverses formes, sa faculté à fixer les taux directeurs, à contrôler le taux d’inflation et à surveiller le mode de fonctionnement du système économique.

La BCE, qui constitue le Système Européen des Banques Centrales (acronyme de SEBC) lorsqu’on l’associe aux banques centrales nationales de l’Union Européenne, est dirigée par un président sous la supervision de plusieurs organes :

  • le directoire qui est composé de 6 membres incluant le président, le vice-président de la BCE, et 4 membres nommés en accord et en négociation entre les Etats qui sont membres de la zone Euro (dialogue puis consensus). Ils sont nommés pour une période de 8 années sans renouvellement possible avec pour mission d’appliquer et d’exécuter les instructions monétaires et économiques du Conseil des gouverneurs de la BCE au niveau des banques centrales nationales. La gestion quotidienne de la BCE relève de leurs missions.  ;
  • le Conseil des gouverneurs  qui est composé des gouverneurs des banques centrales nationales qui ont accepté et adopté la monnaie unique Euro (19 pays) ainsi que des 6 membres du directoire. Cet organe fixe la politique des taux directeurs, oriente les décisions et a la capacité de prendre les décisions sur les émissions de monnaie. C’est la structure la plus stratégique, la plus influente et la plus importante de la BCE. Le système de vote se déroule sous la forme d’une rotation mensuelle. Il existe 3 groupes de membres suivant l’importance et la taille de leur économie. Par exemple, la France, l’Italie, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Espagne se partagent 4 droits de vote et tous les autres pays de la zone se partagent 11 droits de vote. Le système 1 pays/1 vote n’est plus en vigueur pour éviter un blocage décisionnel et tenir compte de la taille réelle des pays membres. Les 6 membres du directoire de la BCE ont un droit de vote permanent ;
  • le Conseil Général est composé de tous les banquiers centraux de l’Union européenne (28 pays), du vice-président et du président de la BCE. Il collecte des renseignements, diffuse des informations et des rapports, établit des règles, organise l’entrée au capital de la Banque Centrale Européenne pour les différents Etats de l’UE et sert de support en consultation des décisions économiques.

 



Image montrant les interactions sociales des décideurs de la Banque Centrale Européenne lors des réunions des 3 organes décisionnels.


 

Suivant les statuts de la Banque Centrale Européenne, l’organisation est, en principe, indépendante sur le plan des décisions et des influences puis autonome sur le plan de son budget (délié au budget de l’Union européenne).

Le capital de la BCE se répartit par une souscription des banques centrales nationales (BCN).

Capital de la BCE par pays sous forme d’une clé de répartition.Graphique montrant la répartition du capital de la Banque Centrale Européenne. L’Allemagne, avec 26 % du capital, est devant la France avec 20 % , Italie: 17, Espagne: 13, Pays-Bas: 6, Belgique: 3, Grèce: 3, Portugal: 2, Autriche: 3, Autres pays réunis: 7 %.

 



 budget union européenne par pays

Quelques chiffres :

  1. 508 millions d’habitants européens,
  2. 28 pays membres de l’Union européenne,
  3. 19 pays membres de l’Union européenne ayant adopté la monnaie Euro,
  4. 4,5 millions de km² en superficie territoriale en UE,
  5. 1998 est l’année de création de la BCE,
  6. 2900 employés à la BCE,
  7. 185 000 m² de surface de bureaux au siège social de la BCE,
  8. 400 000 euros est le salaire annuel en brut du président de la BCE, qui dispose d’un statut de haut fonctionnaire européen,
  9. 40 milliards d’euros en avoirs de réserve de change à la BCE,
  10. 10,76 milliards d’euros de capital social pour la BCE réparti entre les Etats membres et actionnaires proportionnellement à leur souscription suivant une clef de répartition précise (selon le PIB de chaque pays, le nombre d’habitants de chaque nation….),
  11. 11 000 milliards d’euros est la masse monétaire émise par la BCE en zone euro.

Citation du professeur allemand d’économie Hans-Werner Sinn de l’Université de Munich (Allemagne) et auteur du livre « Hans-Werner Sinn und 25 Jahre deutsche Wirtschaftspolitik » :

 » Under the OMT program, investors who buy such securities no longer need to worry about a potential default. Before the risk of bankruptcy presents itself, the ECB will be available to buy the endangered securities off investors’ portfolios. All that is required is an application to the European Stability Mechanism, a fund capable of providing rapid financial assistance to all members of the eurozone. As a result, the risk of bankruptcy is transferred from the bondholders to taxpayers in economically healthy eurozone countries, who would permanently lose interest income on the government bonds. » (source Hans-Werner Sinn du Bundesbank and twin tests).

Explication et traduction : La BCE intervient, quoi qu’il arrive, sur les marchés pour sauver les investisseurs en titres obligataires même en cas de faillite ou de défaut de paiement de pays. Le risque est transféré des investisseurs aux contribuables européens pouvant ainsi engendrer des problèmes juridiques.


 

La lecture du papier de recherche « ECB: Credibility at Risk ? » de l’économiste Christoph S.Weber, expert en économie financière, en économie monétaire et en économétrie à l’Université Friedrich-Alexander de Erlangen-Nürnberg en Bavière (Allemagne), permet d’approfondir sur le plan académique et technique le sujet. Sa note de recherche associe la conduite de la politique monétaire de la zone euro et le niveau de confiance. Il souligne l’importance vitale d’un respect strict des règles, de comportements individuels et collectifs rigoureux au sein de la gouvernance de la BCE afin d’assurer au mieux un pilotage confiant de la zone euro par cette institution monétaire en cours de construction d’une légitimité populaire difficile à trouver.

⇒Le prix Nobel d’économie de 1994, le mathématicien américain John Forbes Nash, a développé en théorie des jeux un concept « l’équilibre de Nash » qui a inspiré la construction des structures décisionnelles de la Banque Centrale Européenne et l’Union européenne, notamment en prenant l’hypothèse que tous les Etats-membres connaissent leurs stratégies réciproques. Nash considère que l’ensemble des choix possibles des Etats-membres convergeront vers un point d’équilibre stable dans lequel aucun membre n’a intérêt à modifier sa position au risque de s’affaiblir.

Ce n’est pas une stratégie optimale mais cette théorie économico-mathématique peut s’appliquer correctement uniquement si les Etats-membres respectent un certain nombre de règles strictes (ou d’algorithmes)  édictées à la base, sans modification possible, ce qui reste une véritable gageure, au regard des biais cognitifs évoqués plus bas dans l’article.⇐


Quelques définitions à connaître :

  1. La BCE est l’acronyme de Banque Centrale Européenne. Elle correspond à une institution de l’Union européenne qui gère la monnaie Euro, met en place et en oeuvre la politique économique et monétaire de cette Union.
  2. L’Eurosystème correspond à une structure de l’Union européenne qui réunit la BCE et les banques centrales nationales des Etats membres de la zone euro. L’Eurosystème est responsable de la monnaie Euro.
  3. BCN est l’acronyme de Banque Centrale Nationale comme, par exemple, la Banque de France pour la France ou  la Deutsche Bundesbank pour l’Allemagne. 
  4. SEBC représente l’acronyme de Système Européen des Banques Centrales dont la composition inclut les banques centrales nationales(BCN) des 28 nations ayant adhéré à l’Union européenne et la BCE. Lorsque tous les pays membres de l’UE auront adopté la monnaie unique Euro alors cet organe sera dissous (il correspondra alors à l’Eurosystème).
  5. UE correspond à l’acronyme de Union Européenne qui est une alliance ou une association économico-politique de 28 nations situées en Europe qui ont réalisé une série de délégations de pouvoirs et de compétences à des structures administratives communes. 
  6. La zone euro correspond à la zone économique et politique (parfois appelée zone monétaire) ayant adopté la monnaie unique Euro (diminutifs EUR ou €) au sein de l’Union européenne. Elle compte 19 pays européens parmi les 28 pays de l’UE.
  7. La politique monétaire regroupe un ensemble d’actions permettant d’agir et de réagir sur l’offre de monnaie par une banque centrale (appelée aussi autorité monétaire). Trois principaux objectifs sont assignés lors de la gestion et le contrôle d’une politique monétaire : maîtrise de l’inflation des prix, stabilité des taux d’intérêts et le contrôle du taux de change.
  8. L’eurotower est le nom donné au siège social imposant de la Banque Centrale Européenne qui est situé à Francfort-sur-le-Main en Allemagne.
  9. La masse monétaire représente une quantité estimée ou une mesure évaluée de l’émission d’une monnaie dans un espace donné (zone économique).

Conclusions : La collégialité des prises de décisions au sein de la BCE est une donnée vitale pour la survie de la zone euro et de l’Union européenne. Le consensus reste un idéal difficile à atteindre car la diversité des intérêts et la divergence totale en puissance économique et politique des membres forment un obstacle naturel.

Les influences, internes et externes à la Banque Centrale Européenne, quoi qu’en disent ses statuts, exercées sur les membres de cette institution, sont aussi pressantes que les enjeux et les impacts des décisions monétaires et économiques.

La directrice de recherche au CNRS (Centre Nationale de Recherche Scientifique) Marie-Claire Villeval a publié des papiers intéressants, dont « Ambiguity on Audits and Cooperation in a public Goods Game » dans la revue économique européenne, volume 74 des pages 146 à 162 et « Behavioral ethics : how psychology influenced economics and how economics might inform psychology ? Current Opinion in Psychology » aux éditions Elsevier, volume 6 des pages 87 à 92, sur l’économie expérimentale et la neuroéconomie.

L’économie comportementale enseigne, en effet, que les biais cognitifs, le rôle central de nos émotions dans la fabrication des décisions rationnelles et le poids des interactions de notre écosystème social représentent des facteurs essentiels dans le processus décisionnel. Les membres de la Banques Centrale Européenne n’échappent pas à la mutation de l’Homo sapiens en un Homo oeconomicus (l’Homme économique).

Nizar Fassi de RachatDuCredit.com

*Les références, bibliographies et sources ont été citées en corps de texte. En remerciant les technologies WordPress et PicktoChart. L’article est sous Licence Creatives Commons que vous pouvez reproduire ou citer.*